C comme croûte
Dernière mise à jour : 20 avr. 2022
On ne peut pas parler fromage sans parler… croûtes bien sûr. La croûte pourquoi ? Comment ? Suivez-moi pour une visite guidée.

C'est beau non ?
Le fameux marquage en pointillés du Parmigiano Reggiano DOP*, avec les mentions Parmigiano Reggiano, DOP et Consorzio di tutela*. Un marquage réalisé dès les premières étapes de moulage du fromage. Une plaque de caséine est également intégrée à la meule, sur une des faces. Elle mentionne le code qui permet la traçabilité complète de l’origine du produit.
Plusieurs grandes familles de fromages = plusieurs types de croûtes.
Les pâtes molles à croûte fleurie : le camembert, le brie, le chaource, le Brillat Savarin. Vous les reconnaîtrez à leur croûte blanche et duveteuse quand ils sont jeunes, et qui peut se veiner de rouge brique plus l’affinage est poussé.
La « fleur » désigne ce petit duvet qui se développe, et qui est en fait un champignon : le penicillium camemberti ou penicillium album. Si vous voyez un fromage recouvert de vraies fleurs séchées : c’est un faux ami : il ne fait pas partie de la famille des pâtes molles à croûtes fleuries.
Cette flore blanche dégage une odeur de champignon de Paris frais au début, puis au fil de l’affinage, on passera à une odeur de cave humide puis, les notes animales finiront par prendre le dessus.

Les pâtes molles à croûte lavée : le Maroilles, le Munster, le Livarot ou l’Epoisses, par exemple en sont quelques fleurons.
Leur croûte orangée et plus ou moins poisseuse est due à leur mode de fabrication. Le fromage une fois égoutté est lavé plusieurs fois à l’eau salée, parfois enrichie en alcool (bière, marc de bourgogne…). A l’origine la couleur orangée venait exclusivement de la bactérie : le « ferment du rouge » (brevibactérium linens) qui se développait lors de l’affinage en raison des lavages et de l’atmosphère des caves.
L’odeur caractéristique et puissante de cette famille de fromage et due au développement de ce ferment. La âte pour autant, sauf à avoir un affinage très long, est souvent plus douce au palais.
Aujourd’hui, pour certains fromages à croûte lavée comme le Langres AOP, on ajoute parfois un colorant d’origine naturelle (le roucou) pour lui donner sa couleur orangée, en plus de la couleur naturelle liée au lavage.

Les fromages à croûte naturelle : une bonne partie des fromages de chèvre (picodon, rocamadour..), ou des fromages comme le gaperon sont des fromages à croûte naturelle.
Ce sont des fromages que l’on laisse égoutter longtemps naturellement, et pour lesquels l’affineur n’intervient généralement pas sur la croûte. Celle-ci se forme naturellement au fur et à mesure de l’affinage. Très jeunes, il n’y a pas de différence entre la pâte et la croûte.

Plus le fromage sera affiné, plus une pellicule se formera autour de la pâte, plus sèche, plus épaisse. Vous pourrez également y voir apparaître des petites « frisures » ou parties bleutées : ce sont les champignons qui se développent sur la croûte et contribuent à l’affinage naturel du fromage, en lui donnant une plus grande puissance et complexité aromatique en bouche. Vous pourrez également parfois les retrouver inscrits dans la famille des pâtes molles à croûte fleurie, une flore s’étant développée à la surface.
Les fromages à croûte morgée
La morge est la solution avec laquelle on frotte la croûte du fromage (déjà formée ou en cours de formation) pendant son affinage. Cette morge peut-être simplement « auto-alimentée » des micro-organismes présents sur les fromages et dans l’environnement de la cave d’affinage. On peut également l’enrichir avec autre chose. Par exemple, la croûte de l’Appenzeler suisse est frottée avec une solution dont la recette est tenue secrète : le Sulz, réalisé à base de vin blanc, de cidre, d’épices et d’herbes des montagnes, de sel et de poivre.

Vous pourrez d’ailleurs le constater : sur ce type de fromages (comme l’Abondance AOP également par exemple), la croûte est légèrement humide et poisseuse.
Au goût la pâte va être infusée de ce dont la morge était constituée. C’est en général indétectable sauf lorsque, comme pour l’Appenzeller, la morge est composée d’ingrédients aux arômes caractéristiques.
Les fromages à croûte céronnée
Vous reconnaîtrez une croûte céronnée à son épaisseur, son irrégularité, sa couleur dans les nuances de gris ou de marron, son toucher un peu poussiéreux.
Une croûte céronnée est une croûte que l’on a travaillée durant l’affinage en la frottant avec des cérons (ou cirons), qui sont en réalité des acariens (appelés aussi artisons) qui vont contribuer à l’aération de la croûte et par conséquent à l’assèchement de la pâte.
La plus connue des croûtes céronnées est celle de la mimolette vieille ou extra-vielle. Vous retrouverez également ces caractéristiques sur la Tomme Céronnée de Savoie, à peine brossée durant l’affinage, ce qui lui donne cet aspect et ces saveurs si particuliers.
On retrouve dans les fromages à croûte céronnée des arômes de fruits secs notamment (noix, noisettes). Les autres arômes des fromages à croûte céronnée dépendront à la fois du travail des acariens, et des caractéristiques d’origine du fromage (terroir, type de lait…). Mais ce qui est certain c’est que ce type de croûte permet un développement d’arômes complexes et incomparables.

Les fromages à croûte paraffinée
Entendons nous bien, lorsque qu’il s’agit de fromages recouverts d’une fine couche de paraffine (rouge, orange, noire), on n’est généralement pas sur du fromage français (et je ne parle pas du petit fromage rond et rouge à languette d’ouverture dont la « croûte » peut vous faire un nez rouge ou être utilisée pour sculpter une petite rose qui épatera votre petit neveu)
Ce sont les hollandais qui sont à l’origine et qui continuent à utiliser cette technique.
Quand ils estiment que leur fromage a atteint l’affinage souhaité, les hollandais grattent la croûte qui a commencé à se former, et recouvrent le fromage d’un vernis poreux qui évite les moisissures et une couche de paraffine (cire). Cela bloque l’affinage du fromage et lui garantit une stabilité dans le temps. Un fromage qui a été traité ainsi jeune, restera jeune.
Ce n’est par forcément signe d’un fromage industriel ou de mauvaise qualité. Par exemple, vous trouverez de l’excellent Gouda Extra-Vieux ou Millenium, recouvert d’une croûte de paraffine noire. Le manchego AOP, fromage espagnol, est également désormais recouvert le plus souvent d’une croûte paraffinée. Il ne reste presque plus de producteurs de Manchego à croûte naturelle.

Les fromages sans croûte
Les fromages tels que le Roquefort AOP ou le Bleu d’Auvergne AOP ne développent pour ainsi dire pas de croûte malgré un affinage long. En effet, après quelques temps en cave humide, ces fromages sont recouverts d’une feuille métallique (dite « feuille d’étain ») qui permettra au fromage de continuer à s’affiner, et qui bloquera la formation de croûte. Cette action s’appelle le « plombage »
Les croûtes se mangent-elles ?
C’est LA question qui revient souvent.
A condition que la croûte soit naturelle (on écarte donc les croûtes paraffinées), les croûtes sont pour la plupart comestibles (si ce n’est pas le cas, c’est indiqué sur l’étiquette de votre fromage, ou votre fromager saura vous l’indiquer).
En revanche, c’est la partie du fromage qui peut contenir le plus de micro-organismes ; on la déconseillera donc aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 3 ans si l’on veut être prudent.
Après, même s’il est vrai que la croûte possède des arômes démultipliés et puissants, c’est vraiment une question de goût personnel ! Il n’y pas de règle en la matière, ni de « code de bonne conduite gastronomique », chacun fait comme il l’entend (même les plus grands gastronomes et fromagers ne sont pas toujours d’accord). Laisser la croûte de côté, la manger en même temps que la pâte, ou avant ou après… c’est vous qui voyez !
Astuce cuisine

Gardez vos croûtes de parmesan ! Vous les conservez au frigo ou au congélateur, et pouvez ensuite les utiliser en les ajoutant simplement à vos bouillons ou sauces. Ses saveurs umami parfumeront délicatement toutes vos préparations.
